Jean Boyer - Organiste de Saint-Nicolas des Champs de 1972 à 1995
 

 

Jean Boyer est né le 4 octobre 1948 à Sidi-Bel-Abbès (Algérie). Son père, Noël Boyer, ancien élève d’André Marchal et de Jean Langlais, tenait l’orgue de l’église Saint-Vincent et enseignait le piano et le violon au conservatoire de cette ville. En 1967, il entre au conservatoire de Toulouse, dans la classe d’orgue de Xavier Darasse, et y obtient rapidement un premier prix (1969).

Il s’installe ensuite à Paris, attiré par le mouvement esthétique initié par Michel Chapuis, Francis Chapelet et André Isoir autour du nouvel orgue de Saint-Séverin dont il devient co-titulaire en 1975.

Il déploie alors une intense activité de concertiste, en France et bientôt à l’étranger, principalement aux Etats-Unis et au Japon. Son répertoire, très étendu et éclectique, révèle une prédilection pour les auteurs français des XVIIe et XVIIIe siècles, Bach, Liszt et Franck dont il fut l’un des plus grands interprètes. Sa discographie demeure hélas réduite : beaucoup plus attiré par le concert, il ne se départit jamais d’une certaine méfiance à l’égard de la musique enregistrée.

L’enseignement était en revanche une part essentielle de ses activités. Successivement professeur au conservatoire de Bayonne, à la Schola Cantorum de Paris (1980-1982), aux conservatoires de Brest (id.), de Lille (1982-1992) et enfin au conservatoire supérieur de Lyon (1992-2004), il forma de très nombreux élèves, avec le même esprit d’exactitude, d’exigence et de recherche inlassable qu’il manifestait dans ses interprétations.

Jean Boyer est mort le 28 juin 2004 à Lille, à l’âge de cinquante-cinq ans, des suites d’un cancer.
 

Vous trouverez la discographie de Jean Boyer à l’adresse suivante :
http://www.france-orgue.fr/disque/index.php?zpg=dsq.fra.rch&org=Jean+Boyer

Sidi-Bel-Abbès, église Sidi-Bel-Abbès, intérieur de l'église
Sidi-Bel-Abbès, église Saint-Vincent


 
Jean Boyer à Saint-Nicolas des Champs
 

Jean Boyer aux claviers de l'orgue de Saint-Nicolas des Champs (1973)
Jean Boyer à la console de Saint-Nicolas, 1973

Le premier contact de Jean Boyer avec l’orgue de Saint-Nicolas des Champs eut lieu… à la brasserie Balzar, rue des Écoles. Attablé après un concert, il apprit du Père Aumont, alors vicaire à Saint-Séverin, que Michel Chapuis quittait définitivement la tribune de Saint-Nicolas pour se consacrer entièrement à son orgue de Saint-Séverin ; d’après René Delosme, témoin de la scène, Jean Boyer ne connaissait alors le grand Clicquot que de réputation. Un concours fut organisé le 29 octobre 1972 dont il sortit vainqueur1.

Le jeune titulaire déploya aussitôt une intense activité destinée à faire mieux connaître son instrument, un peu éclipsé par le Kern/Hartmann de Saint-Séverin (1964) et surtout la polémique autour de la restauration en cours de Saint-Gervais (1968-1975). Après quelques travaux de remise en état et un premier concert le 9 mai 1973 (« sorte de réinauguration » selon Pierre Hardouin), une association est fondée le 5 décembre suivant, intitulée Renouveau des grandes orgues de Saint-Nicolas des Champs. La même année, Jean Boyer enregistre un disque (Un orgue Clicquot à Paris et un musicien versaillais, œuvres d’A.P.F. Boëly, Stil 1405S73, Grand prix du disque). Plusieurs émissions sont réalisées avec Jacques Merlet pour France Culture, un concert enregistré pour France Musique2. Une étude historique très complète de l’instrument, intitulée Le grand orgue de Saint-Nicolas des Champs, quatre siècles de facture d’orgue, est rédigée par le grand organologue Pierre Hardouin. Elle est co-éditée en 1977 par la paroisse, l’association Renouveau des grandes orgues de St-Nicolas des Champs et l’Association française pour la sauvegarde de l’orgue ancien (AFSOA), avec en couverture une œuvre originale de Michel Dupont, artiste peintre et linograveur.

Malheureusement, l’état de l’instrument laissait beaucoup à désirer. Victime de la sécheresse de 1976 (on ne parlait pas encore de « canicule »), maintenu vaille que vaille en état de fonctionnement grâce aux soins de Philippe Hartmann puis à ceux – bénévoles – de Didier Guiraud, une restauration approfondie devenait chaque jour plus urgente : l’Administration demeura de marbre. Un projet d’enregistrement du Livre de Noëls de d’Aquin, dont il fit la confidence à son suppléant, Michel Piccozi, resta dans les cartons3.

En 1992, la paroisse se voit confiée à la Communauté de l’Emmanuel. Après avoir quitté la tribune de Saint-Séverin en 1988, Jean Boyer renonça à celle de Saint-Nicolas en 1995, accaparé par sa carrière de concertiste et ses nouvelles fonctions de professeur au conservatoire supérieur de Lyon. L’instrument devint bientôt injouable. Ce n’est que dans ses derniers mois, alors qu’il était déjà atteint par la maladie, que l’ancien titulaire put entrevoir les prémices d’un renouveau de l’orgue de Saint-Nicolas, rappelant quelque peu celui qu’il avait initié dans les années 1970. La Ville de Paris et la paroisse entreprirent les travaux nécessaires à la remise en marche de l’orgue, tandis qu’une étude sérieuse était entreprise en vue de la « grande restauration » différée depuis plus de trente ans.

L’hommage rendu ici à Jean Boyer est l’occasion de rappeler l’extrême prudence qu’il manifesta toujours concernant cette restauration. Son vœu, exprimé devant plusieurs personnes, était que celle-ci s’effectuât par étapes, la première consistant à rétablir une mécanique suspendue sans intervenir, autant que possible, sur la partie sonore. Une des nombreuses leçons de sagesse que Jean Boyer dispensait à ses proches et qu’il convient de méditer, aujourd’hui autant qu’hier.

Vincent Genvrin (2009)

Programme du concert du 9 mai 1973 (archives familiales)


1 Voir plus loin les souvenirs que nous a laissés Pierre Cogen à propos de ce concours auquel il a participé.

2 Voir en annexe la liste et le programme de ces émissions, conservées à l’INA.

3 Le signataire de ces lignes se souvient l’avoir entendu déclarer (c’était au conservatoire de Lille) : « J’arrive à jouer le Noël en musette ! ». Ceux qui connaissent l’actuelle paresse d’attaque du Cromorne de Saint-Nicolas – et la difficulté du Noël en question – saisiront toute la valeur de l’exploit…

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Quelques souvenirs sur le concours de 1972 par Pierre Cogen
Emissions et concerts enregistrés par Radio France à Saint-Nicolas des Chamsp
le programme du concert hommage du 21 décembre 2008


 
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