Lépicié - La chapelle du Calvaire à l'église Saint-Roch à Paris
© Musée Carnavalet / Roger-Viollet

Nicolas Bernard Lépicié (Paris, 1735–idem, 1784), La chapelle du Calvaire à l’église Saint-Roch à Paris (Paris, musée Carnavalet), huile sur toile, H. 1,280 x L. 0,970 m.

Don de M. Bertel Orn, consul général de Suède au musée de Pau en 1955 ; dépôt du musée de Pau au musée Carnavalet en 1977.

 

 

L’église Saint-Roch, rue Saint-Honoré à Paris, fut construite au milieu du XVIIe siècle. La première pierre de la chapelle du Calvaire fut posée le 13 août 1754. Elle fut élevée à l’extrémité d’une perspective qui, au-delà du chœur, faisait déjà s’aligner deux premières chapelles axiales : les chapelles de la Vierge et de la Communion (1710).
Le choix de consacrer cette troisième chapelle au Christ souffrant revêtait une signification symbolique forte. Ainsi s’achevait à Saint-Roch un programme global de célébration de l’Incarnation (chapelle de la Vierge), de la Transsubstantiation (chapelle de la Communion ou de l’Adoration) et de la Rédemption (chapelle du Calvaire).
Le décor de la chapelle du Calvaire fut aménagé d’après la volonté de Jean-Baptiste Marduel, curé de la paroisse de 1749 à 1789. Comme Languet de Gergy à Saint-Sulpice, l’abbé Marduel est représentatif d’un clergé parisien beaucoup plus actif et amateur d’art que ne l’a laissé entendre longtemps une certaine historiographie.

La réalisation fut confiée à l’architecte néoclassique Etienne Louis Boullée (1728-1799) et au sculpteur Etienne Maurice Falconet (1716-1791), qui n’hésitèrent pas à user de moyens d’une grande théâtralité pour émouvoir les fidèles. A l’intérieur d’une niche apparaissaient, sur un haut amoncellement de rochers où se glissait un serpent, un Christ en croix, une œuvre de Michel Anguier (1612-1686) léguée à la paroisse en 1685, Madeleine agenouillée et deux soldats romains dus à Falconet. Sur la paroi du fond, le peintre d’architecture Pierre Antoine Demachy (1723-1807) avait peint un ciel orageux. La scène était éclairée par une « lumière céleste »; dispensée par un jour indirect, ce qui en renforçait la dimension dramatique. Sous le groupe sculpté, Boullée avait installé un tombeau en marbre bleu turquin surmonté d’un tabernacle en colonne tronquée et des cassolettes d’une inspiration très antiquisante.

Une telle mise en scène, avec laquelle ne pourra rivaliser à Paris que la chapelle des Ames du Purgatoire à l’église Sainte-Marguerite, fut particulièrement appréciée par la génération romantique, plus que par celle des philosophes. C’est ainsi que Diderot n’hésita pas à se montrer critique à l’encontre d’une réalisation aussi baroque.

Il suffit de comparer la représentation de la chapelle du Calvaire de Lépicié avec celle que Jean Jouvenet (1644-1717) donna du chœur de Notre-Dame de Paris à la fin du règne de Louis XIV (La Messe du chanoine de La Porte, vers 1708-1710, Louvre), à la fois plus analytique et solennelle, pour apprécier la sentimentalité qui émane de la vision de Lépicié et de ses contemporains. La célébration de l’office par le chanoine de La Porte a laissé la place à un traitement intimiste : face au Christ souffrant, la solitude d’un moine vu de dos, qui semble s’être laissé surprendre par le monument et un homme et une femme plongés dans la prière. Lépicié fait s’élever de la fumée des cassolettes sur le tombeau pour accentuer l’effet de trompe-l’œil du décor peint. Son but n’est pas seulement de retranscrire avec exactitude la réalité du lieu mais de réaliser, dans une veine qui s’apparente à la peinture de genre, dans laquelle il s’est largement distingué, une vraie scène religieuse.
Le tableau est peint dans une gamme raffinée et typiquement française d’infinies nuances de gris légèrement colorés et de tons de brun selon une technique qui s’apparente à celle du camaïeu.

A la Révolution, le décor de la chapelle du Calvaire fut considérablement altéré. L’édifice fut entièrement reconstruit en 1849.

David Brouzet

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